• Anne Berest : Sagan, c’est moi !

Anne Berest : Sagan, c’est moi ![1]

Anne Berest

Anne Berest

Anne Berest, petite jeune femme fragile à la plume élégante et précise. Le style un peu vintage, les thèmes à la fois douloureux et élitistes. Une voix, surtout ! Une voix prometteuse, qui annonce la profondeur. Elle vous dépose là, au coin d’une rue, dans un autobus, à la descente d’un train et s’en va sans se retourner. Attendez-moi !… Elle reviendra, c’est certain ! Son roman précédent, Les Patriarches[2], racontait le trajet hésitant d’une femme à peine éclose qui enquêtait sur les frasques de son père disparu. On pensait l’avoir saisie à l’issue d’un chapitre. On fermait les yeux, rêvant la suite. Et puis non ! La force était ailleurs, dans le mouvement, dans le retour, dans l’insistance de l’incertitude. Mais à l’issue du parcours, une idée s’imposait, claire et forte : on peut être pris, son espace intérieur envahi, occupé — « possédé », en un mot ! Cette jeune femme était possédée par son père mort. Elle entreprenait de le connaître, par les confidences d’un de ses compagnons de galère, mais aussi en se découvrant elle-même, par le décryptage de son propre comportement. Subtile prière au mort qui m’avait ému avec douceur.

Françoise Sagan

Françoise Sagan

Cette fois, elle nous livre un roman, qui est aussi un essai, une biographie et ce qu’il est convenu d’appeler une « autofiction » — je veux dire : qui contient aussi des moments de la vie privée de l’auteur, articulés à la dramaturgie du texte. Le sujet est fascinant : l’irruption de la jeune fille, en 1954 sur la scène française avec, d’un côté Françoise Sagan, de l’autre Brigitte Bardot. Elles se retrouveront un jour à Saint-Tropez… Qui savait alors que ces deux « ourses », comme les auraient appelées les Grecs de l’antiquité, annonçaient la révolution des femmes ? Le sujet est aussi la naissance d’un roman, qui explosera envers et contre tout comme un événement littéraire. Bonjour tristesse, tendre et sex, qui balaiera d’un coup les préciosités ridicules des années de plomb. Heureux temps — Anne Berest n’y insiste pas — où un texte pouvait s’imposer par sa force seule. Le sujet c’est aussi Anne Berest, à nouveau prise par un mort — une morte, cette fois — Françoise Sagan, au moment de la rupture avec son compagnon, le père de sa fille. Cette « possession » m’est apparue authentique, parce qu’on la suit pas à pas, aidant Berest à comprendre des subtilités restées silencieuses du premier roman de Sagan. Mais aussi — mais surtout ! — parce que la morte régénère la vivante, jusqu’à la pousser dans les bras d’un adolescent blond, qui lui redonnera le goût de l’amour.

Sagan1954L’énoncé initial, que l’on aurait pu prendre pour une provocation (« Sagan, c’est moi ! »), devient à la fin une évidence : Berest est aussi pétillante que Sagan.

[1] Anne Berest, Sagan 1954, Stock, Paris, 2014.

[2] Anne Berest, Les Patriarches, Grasset, Paris, 2012.

3 réflexions sur “• Anne Berest : Sagan, c’est moi !

  1. Pingback: Sagan, c’est moi ! | Le blog de Tobie Nathan

  2. Je ressens une similitude répétitive dans l’Histoires,très captivante en tout cas à la porte de ma pensée s’évade ou s’échappe des silences endormi , voir flou que suscite cette lecture, l’histoire est parlante et vie, sauf que l’obsession est rarement un remède, forcé les choses ses poussées a l’évaporation des souvenirs. Pensée personnel

  3. Être possédé par ses morts, pas toujours simple à vivre!
    Regardez notre Saint mère l’église.
    Possédée par un crucifié, elle en a finit par marcher à quatre papes en ce jour!

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