• le baiser… un livre évident qui n’existait pas encore (Alexandre Lacroix)

Contribution à la théorie du baiser

Alexandre Lacroix est rédac-chef de Philosophie Magazine, la revue qui a remis la philosophie à sa place — c’est-à-dire aux promeneurs, qui passent devant un kiosque et son attirés par une question. Il vient de publier un livre évident, qui pourtant n’existait pas encore : Contribution à la théorie du baiser (Éditions Autrement, Paris, 31 août 2011, 15 €). Livre totalement impudique que l’on pourrait comparer au Parfum de Suskind —  impudique au point d’aborder des problèmes communs à tout un chacun et qui pourtant sont couverts par l’amnésie sociale. Tout le monde embrasse, sur la bouche, sur les lèvres, sans la langue, avec la langue, légèrement, profondément, l’espace d’un instant ou longuement… Et personne n’en parle ! Si pourtant : les ados en parlent, font une théorie du baiser, parfois fantasque, mais si proche de la réalité pulsionnelle. Ils laissent entendre qu’il existe des virtuoses du baiser, si habiles à s’emparer des bouches qu’ils feraient tomber d’émoi n’importe quelle demoiselle…

Le baiser, pourtant, n’est pas de tous les temps, ni de toutes les cultures. L’Afrique ne le connaissait certainement pas avant l’arrivée des colons blancs. Le Japon, la Chine, le percevaient comme un art mineur des préliminaires amoureux. Tout cela se passait avant Hollywood, bien sûr qui a fait du baiser l’universelle promesse de se livrer à l’acte d’amour. Qui embrasse va étreindre, telle est la règle d’or établie par les producteurs américains dans les années ‘30’ — coutume aussitôt répandue sur la surface de la planète, au travers du cinéma américain, d’abord, puis égyptien, indien, et maintenant partout. D’où vient-il ? Des Romains, propose Alexandre Lacroix, qui en connaissaient trois sortes : celui donné au sein de la famille, basius, qui a donné notre mot « baiser » — baiser qui signait l’appartenance à une même substance, de même gens. Le second, très semblable, s’échangeait, sur la bouche, comme les Russes, entre membres d’un même ordre — les Sénateurs, par exemple. Le troisième, le baiser lascif, préliminaire à l’acte d’amour, avec la langue, la salive et les caresses, est le troisième baiser connu des Romains. Et voilà que les Chrétiens l’ont tout d’abord très naturellement emprunté aux Romains, s’embrassant pour se proclamer de même substance. Au fond, s’il est des animaux qui s’embrassent, ce sont bien les fourmis qui, lorsqu’elles se croisent, échangent quelques molécules de salive, pour se reconnaître d’une même fourmilière, d’une même race…

Alexandre Lacroix

Le baiser est une philosophie érotique ; une incarnation ontologique. Un peu philosophique, puisqu’il est proclamation d’une même identité tout en étant le préliminaire obligé à l’érotisme sur le point d’advenir. Tel serait donc l’héritage que la Croix aurait emprunté aux Romains pour le transmettre au monde moderne. Et Alexandre Lacroix nous le restitue, avec quelques souvenirs personnels de baiser, exercice de sincérité philosophique et participation à un procès de révélation impudique. Le mélange donne un texte percutant, qui reste dans la tête, avec le sentiment d’avoir participé du secret…

Des textes de philosophie comme celui-là, j’en veux encore !

3 réflexions sur “• le baiser… un livre évident qui n’existait pas encore (Alexandre Lacroix)

  1. Pingback: Contribution à la théorie du baiser « tobienathan’s Blog

  2. Tiens, tiens… Aucune référence à un livre qui existait déjà
    (et qui semble d’après la rumeur avoir été… largement utilisé pour écrire celui-là):
    « Le Baiser », par Xavier Fauche et Christiane Noetzlin, Stock, Paris, mai 1987

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