• Saraka Bô (roman)

Saraka Bô (Sortir les offrandes)

Roman — Editions Payot-Rivages. Collection Rivages/Thriller 1993 et Rivages/Noir 1994

Tobie Nathan a obtenu le prix Emmanuel Roblès (prix de la ville de Blois) pour son premier roman, Saraka Bô, en 1994

4ème de couv : Un meurtrier fou égorgeant les bourgeoises d’une commune cossue de la banlieue parisienne, un commissaire play-boy rompu aux techniques modernes de la police, un psychiatre passionné de littérature antique, un rescapé des idéologies des années 70 et une dizaine d’Africains immigrés en France… Récit du désastre de la perte des repères, véritable énigme policière résolue pas à pas, reconstitution par fragments de vies déstructurées par les aléas politiques des dernières décennies. Un polar actuel qui est aussi un conte mythologique et moral…

Extrait : 

«  _Tu dois me trouver une tire, Djinna. Tu sais que je suis en cavale, non?

_ Ne m’appelle pas comme ça! C’est toi qui es un djinna! J’aurais jamais cru qu’un margouillat décérébré comme toi pouvait encore baiser…

Aïssa Maïga joue dans Saraka Bô

Je jette un œil par la meurtrière du sonacotra: Il pleut; deux moines en panne, chaussés de rangers noirs; la soutane de laine beige avec la capuche trempée comme un préservatif usé. Coupés au bol, le haut du crâne comme un prépuce, ils fourragent sous le capot d’une ami 6 ou 8 ou 9 – le moteur fume sous la pluie. Merde, ils m’ont déja repéré!  » _ Regarde, Djinna…  » Foula enfile sa mini-jupe et un col roulé moulé noir qui lui rase le nombril. Deux minutes plus tard, je la vois qui caresse les fesses d’un moine à travers sa robe. « Je peux toucher ta bure, Yvette? » Tiens, ils causent sérieux maintenant. Salif Keita monte sa voix à l’extrêmité des aigus de l’angoisse tandis que la cora tire de ses entrailles les sons qui apaisent. »

Critiques : 

Tobie Nathan élargit le cercle. Son «Saraka Bô», premier roman d’un psy, a bondi dans la liste des best-sellers. Titre superbe, comme une incantation. C’est du bambara et ça veut dire: «Sors les offrandes». Sinon les «djinna» – les génies qui jouent les intermédiaires entre le monde des vivants et l’autre – feront de toi 1′ «animal de sacrifice». Autant le savoir «ils traversent les siècles et les océans».

À Asnières, le commissaire Fred Simoune ignore que les ancêtres n’appartiennent pas au passé, mais à l’avenir. Il ne connaît pas le nom de son père, il vit des amours perturbées. Flic sérieux – il y en a. Pour l’heure, il piétine: près d’une dizaine de femmes assassinées à Neuilly depuis trois ans. «Etranglées, pendues, égorgées, saignées.» Psychose dans les banlieues chics. Au centre de l’enquête, Nessim Taïeb, un psy invité en renfort, tire le fil rouge de l’invisible. Il sait reconnaître pourquoi l’un est malade et pourquoi l’autre tue – âmes errantes enfermées dans une souffrance qui n’a pas droit de cité dans la raison occidentale et qui mène à l’autodestruction ou à la violence absolue. Celle du «serial killer» qui joue du poignard de commando. Celle de cet ancien mao, famille disparue à Auschwitz, qui trucide tout ce qui le renvoie au spectre des camps: «En laissant des survivants, les nazis ont oublié une bombe atomique amorcée avant de partir.»
Nessim oriente les flics médusés. On ne leur a jamais dit quel langage sanglant parle le meurtre, ni de quels deuils il surgit – lorsqu’on n’a, pour tout héritage, que la rage des morts.

Cherchez: pas un seul roman noir ou blanc ne convoque, comme le fait Tobie Nathan, tous les protagonistes de la société française, et les maux dont elle souffre. Lorsqu’elle en vient à traquer l’Autre en elle, elle tombe dans le reniement de soi.
Tarif de groupe, par Hugues Pagan. Rivages, 276 p., 119 F.
Saraka Bô, par Tobie Nathan. Rivages, 284p., 119F.

Sylviane Pasquier dans L’Express du 01/07/1993

Saraka Bô (1996)

Un film de Denis Amar avec

Richard Bohringer, Yvan Attal, Sotigui Kouyate, Aïssa Maïga…

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