• Au revoir tristesse, bonjour dédain ! (Guillaume de Sardes)

Le Dédain. Grasset, 2012

Le Dédain, un roman de Guillaume de Sardes, Paris, Grasset, septembre 2012.

Un jeune homme brillant publie son cinquième roman, 207 pages ambigües, magiques, qui se lisent d’une traite. Le Dédain tient à la fois de Bonjour tristesse, de La nausée et, bien sûr, du Mépris. On sent fortement les références tout au long ; on devine le regard de l’auteur fasciné par ces petits livres-cultes, qui ont marqué leur temps comme une chanson d’amour qui vient sans cesse nous hanter le cerveau. Ce livre pourrait bien connaître un destin semblable.

Il s’agit d’un roman de maturité — non pas un roman de l’âge mûr, l’auteur n’a que 33 ans — mais une œuvre du temps où les références se sont coagulées à l’expérience pour constituer une sorte de noyau dur que l’on sent ici vibrer sous la poussée — je veux dire la pulsion.

Un roman d’initiation, pourrait-on dire, aussi, mais actuelle, l’initiation tardive de ces jeunes gens modernes qui, à plus de trente ans, regardent encore à travers le grillage, hésitant à s’aventurer au monde.

Marceau, le héros, est un spécialiste des livres, un peu comme l’auteur, qui est historien et critique d’art, directeur de la rédaction de la revue Le monde de l’art. Marceau est tristoune — autrefois on l’aurait dit neurasthénique — mondain sans monde, aristo sans réseaux, supérieur sans inférieurs, il semble attendre du monde qu’il l’initie au monde. Sans maître, hormis son patron, P. B., un bouquiniste spécialisé en livres rares, qui l’apprécie et le protège, il ne sait où porter sa quête d’initiation. Lui restent seulement deux êtres avec lesquels composer : son érection et les femmes.

Guillaume de Sardes

Le Dédain est le récit des tentatives de combiner ces deux puissances pour leur poser la question de sa propre existence. Une femme facile, d’abord, rencontrée dans un bar, qu’il veut voir disparaître aussitôt après sa jouissance, dont l’attrait s’évanouit dans les brouillards de l’éjaculation. Une femme vénale ensuite, une escort-girl péchée sur internet, une professionnelle, experte et ludique. Deux heures avec elle et Marceau en sort fatigué mais toujours en manque. Une femme amoureuse, enfin, qu’il aime — sans raison — et qui l’aime, Dieu sait pourquoi… Mais ça marche trop bien. On sent qu’il y a un loup…

Ce roman pourrait bien devenir celui d’une génération, une jeunesse sans maître et sans cause, instruite et douée, pourtant, et que l’on a délivrée des contraintes et des tabous. Mais une jeunesse qui se heurte à des obstacles, d’autant plus difficiles à surmonter qu’ils sont invisibles.

Tobie Nathan

3 réflexions sur “• Au revoir tristesse, bonjour dédain ! (Guillaume de Sardes)

  1. Pingback: au sujet du dédain de Guillaume de Sardes « Le blog de Tobie Nathan

  2. Je suis stupéfait de votre critique. Je suis tombé sur ce livre, qui enfile les lieux communs comme les filles, avec une écriture proche du degré zéro.
    Pour exploiter de flon de ces romans nombrilistes et sexuels, il faut un peu de talent, un peu…

  3. Livre absolument navrant. La prétention de l’auteur transpire à travers son personnage (Marceau) qui n’est q’un avatar d’une vie dont il semble rêver. Ce qu’il manque ? Un peu (beaucoup ?) d’humilité, un style moins pédant et des sujets moins racoleurs et ressassés (cf. Le Nil est froid) …
    Bref; mise à part pour caler mon piano, je ne vois pas l’intérêt de ce roman indigeste.

Laisser un commentaire