• La Société des Belles Personnes

Tobie Nathan ©TNT

Le nouveau roman de Tobie Nathan aux éditions Stock

en librairie le 19 août 2020

4ème de couv :

1952. Zohar Zohar, expulsé et fugitif, arrive en Europe.

Né pauvre dans le misérable quartier juif du vieux Caire, l’enfant chéri de ‘Haret el-Yahoud, la ruelle aux Juifs, le jeune homme flamboyant, dont les clubs et bars attirent la haute société cairote, débarque sans famille, sans ami, sans un sou. Seul l’accompagne le fantôme de Dieter Boehm, son tortionnaire nazi. Zohar fuit un pays à feu et à sang, une société malade à l’image de son roi, Farouk, ramolli de luxure et détesté par son peuple, une société nécrosée par la montée des Frères musulmans, l’infiltration des anciens nazis dans l’armée égyptienne, les pogroms contre les juifs et la rébellion conduite par le puissant Gamal Abd el-Nasser. En France, son obsession va se lier à celle d’Aaron, Lucien et Paulette, trio soudé dans l’envie d’en découdre avec le passé qui les hante. Contre les bourreaux de leur passé, un même procédé : deux balles dans la tête, la première pour la vengeance, la seconde pour la signature. 

C’est l’histoire que son fils François va découvrir, celle qui lui fera comprendre la mystérieuse promesse faite par son père à la Société des Belles Personnes. Et qu’il décidera de poursuivre.

Entre fresque historique et grand roman, des heures sombres de l’Égypte à la part enfouie de la mémoire française, Tobie Nathan écrit magnifiquement une épopée foisonnante et tragique, lestée du passé, forte de ses personnages, de leurs souvenirs et de leur cheminement.

Dans Le Point du 9 août 2020 :

Tobie Nathan : la vie derrière soi

Le romancier nous plonge dans l’Égypte du roi Farouk et la France des années 1950 pour raconter un fils à la recherche de son père.

 Par Marie Laure Delorme

Publié le 09/08/2020 à 15:00 | Le Point.fr

Deux inconnus au cimetière de Pantin. Ils se connaissent peu. Le fils est discret ; le père est secret. Le premier enterre le second. Il pleut sur les tombes. François Zohar vient dire adieu à Zohar Zohar. Son père est parti alors qu’il avait à peine deux ans. Les tombes se referment-elles à jamais sur le mystère des êtres ? Le père est entré en contact avec le fils, en 2014, peu de temps avant de s’éteindre. L’un était âgé de quatre-vingt-neuf ans et l’autre allait sur ses cinquante ans. Ils se sont peu confiés. François Zohar rencontre Livia Iacopetti. Une amie de son père, une femme de mémoire. François Zohar se rend chez elle régulièrement, à Neuilly, pour l’écouter parler de Zohar Zohar. Elle va aider le fils vivant à reconstituer le passé du père mort. Quelles leçons entendra-t-il ? Le romancier et psychologue Tobie Nathan, né en 1948 au Caire, en Égypte, dans une famille juive, a écrit un vaste roman sur ce dont nous héritons et sur ce que nous en faisons.

Tobie Nathan ©TNT

Zohar Zohar est né en 1925, dans une famille juive égyptienne. Il grandit dans le quartier juif déshérité du vieux Caire. Le roi Farouk est alors au pouvoir. Zohar Zohar trace sa route et réussit dans les affaires. La corruption et la violence se répandent partout dans la société égyptienne, sans possibilité de retour à la normale. La montée des Frères musulmans, la présence d’anciens nazis dans différents rouages du pouvoir, la haine et l’assassinat des juifs. « Si Farouk appelait à la haine du juif pour retrouver grâce aux yeux de son peuple, les Frères faisaient de la surenchère, martelant dans leurs prêches qu’il était du devoir sacré de chaque musulman d’éliminer chaque juif qu’il rencontrait. Quant à l’armée, elle piaffait dans ses bottes en attendant de prendre sa revanche contre les Juifs. » La défaite égyptienne, lors de la guerre israélo-arabe de 1948, est dans toutes les têtes. La rue est en ébullition. Le lieutenant-colonel Gamal Abd el-Nasser, fondateur du Mouvement des officiers libres, renverse le roi Farouk en juillet 1952. Zohar Zohar est poursuivi par les nazis. Il fuit son pays et débarque à Naples. Dès ses premiers pas en Europe, Zohar Zohar rencontre Livia Iacopetti. Il s’installe en France.

Sexe et vengeance

La France veut oublier son passé. Zohar se lie d’amitié avec Aaron (un survivant du ghetto de Wilno) et Lucien (un Français résistant). Ils montent un commerce de fourrure. Zohar Zohar est hanté par la figure de Didier Boehm. Un idéologue nazi et un criminel de guerre ayant torturé sa mère en Égypte. Zohar Zohar entend honorer la promesse faite à la Société des belles personnes, assemblée de femmes d’un quartier populaire du Caire, et ne pas oublier d’où il vient. Le trio d’amis est rejoint par Paulette. Ils sont liés par le sexe. On leur parle de pardon, ils parlent de fidélité. On leur parle de repentance, ils parlent de vengeance. Zohar Zohar tombe sous le charme de Marie Desnoyel. Ils ont un enfant. Ils le nomment François. La phrase de De Gaulle sur « un peuple d’élite, sûr de lui, et dominateur » est un coup de tonnerre pour nombre de Juifs de France. Nous sommes en 1967. Zohar Zohar disparaît. Il laisse derrière lui une épouse et un garçon.

Tobie Nathan rend hommage aux enfants du peuple. La Société des belles personnes, fresque historique où l’on croise le roi Farouk et le lieutenant-colonel Nasser, raconte les anonymes emportés par l’Histoire. Dans un style vivant, truculent, l’auteur de Ce pays qui te ressemble fait revivre les quartiers populaires du Caire et de Paris. Une vie de débrouille et de solidarité. Les figures de femmes sont nombreuses. Livia (ancienne prostituée et amie de choix), Thalia (journaliste chargée d’espionner les Égyptiens pour le compte des Juifs de Palestine), Paulette (femme légère habitant à Paris avec Zohar, Aaron et Lucien), Marie (mère de François, abandonnée par Zohar). Grandes scènes égyptiennes autour de la Kudiya, officiante respectée et maîtresse des esprits, abattue par un tir de mitraillette. L’enterrement donne lieu à une rébellion joyeuse. Le portrait du roi Farouk est une réussite. « Étrange métamorphose à rebours des contes de fées, le beau prince aux yeux clairs s’était transformé en monstre de cauchemar. » La colère de la rue est attisée par la propagande des Frères musulmans et par les communistes. L’auteur montre parfaitement la déconnexion entre les élites et le peuple. Et ce qu’il en advient.

Recommencer ou répéter ?

Toute l’histoire, entre Le Caire et Paris, tourne autour de la mémoire intime et collective. Comment l’antisémitisme resurgit durant les crises, comment les démagogues manipulent la colère des peuples pour leur propre bénéfice, comment on hérite enfant de plus grand que soi, comment on conserve la vitalité dans l’adversité. L’auteur livre une réflexion décapante et dérangeante sur la vengeance, l’honneur, la dette, la fidélité. Peut-on aspirer à une nouvelle vie ? On croit repartir, on ressasse. On croit recommencer, on répète. Une certitude ancrée, rien ne se construit sur l’oubli. Le discret François Zohar, né en 1965 à Paris, hérite du tumulte du passé. Il saura en prendre les peines et les joies.

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La Société des belles personnes, de Tobie Nathan, Stock, 420 pages, 22 euros (en librairie le 9 août)

Sur le blog « Les livres d’Eve »

Publié 7 août 2020

Place à un peu de magie, avec un parfum de mille et une nuits avec ce roman :

La Société des Belles Personnes

Nous sommes donc en 1952, et Zohar Zohar doit fuir l’Égypte, où les Juifs qui ont toujours vécu en bonne intelligence avec les Égyptiens musulmans, ne sont plus en sécurité, sur une terre où ils vivent depuis fort longtemps. Il faut dire que leur Roi Farouk, adoré par son peuple depuis son accession au trône s’est contenté d’un pouvoir au rabais, pratiquement sous tutelle des Anglais.

Quant à mon vrai père, celui qui m’a engendré, celui dont je porte le nom, il s’appelait Zohar Zohar. En hébreu, je le sais, le mot zohar signifie « la splendeur ». Il paraît que quelquefois, il se faisait appeler « Splendeur des splendeurs », un peu comme on appelait le Négus le « Roi des rois ».

Le peuple a soutenu les Nazis, accueilli Rommel en libérateur, pour se débarrasser à tout prix du protectorat anglais, écoutant les prêches des Frères Musulmans incitant à tuer des Juifs pour faire plaisir à Dieu.

Mais, l’Allemagne nazie a perdu la guerre, mais pas ses meilleurs militaires, notamment Dieter Boehm, prompts à reprendre du service en Égypte pour continuer à massacrer… Et prêter mainforte aux militaires voulant renverser Farouk trop occupé à manger, acheter des voitures de luxe, et multipliant les maîtresses pour se préoccuper du peuple.

On assiste ainsi à la montée de l’islamisme, aux complots, ou alliances temporaires pour amener Gamal Abd el-Nasser au pouvoir en compagnie d’Anouar El-Sadate…

En suivant l’odyssée de Zohar, on traverse toute l’histoire de l’Égypte après la deuxième guerre mondiale, son statut de directeur d’un établissement un peu « olé-olé », la torture par Dieter pour mette la main sur son argent et comme il est Juif, terminer ce qu’Hitler avait commencé !!!

Via Naples, Zohar va arriver à Paris et faire la connaissance de jeunes Juifs, rescapés de l’Holocauste, alors que toute leur famille a été exterminée : Aaron qui a vu les nazis tuer toute sa famille, d’une balle dans la tête, les enfants compris, et les jeter dans des fosses qu’on leur a fait creuser eux-mêmes, Paulette, qui a réussi à s’évader d’un train lors d’un transfert de Ravensbrück ou encore Lucien  : ils ont vu et subi tant de choses que seul le désir de vengeance les fait survivre… les femmes ont la part belle dans ce récit, la mère de Zohar, Livia qui prend soin de lui quand il arrive à Naples sans un sou en poche, la belle Thalia qui espionne pour le compte des Juifs…

On rencontre des personnes ayant existé, pour étayer le raisonnement, tels les nazis Walter Rauff, proche de Heydrich, officier de la SS qui est allé prêter main-forte à Pinochet, ou encore Aloïs Hudal, évêque catholique autrichien, ami personnel de Pie XII, qui rêvait de réaliser une synthèse entre catholicisme et national-socialisme et qui a facilité la fuite des criminels nazis vers l’Amérique du Sud. L’auteur fait de Dieter Boehm un de leurs proches, très actif et complètement cinglé…

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La Société des belles personnes

de Tobie Nathan

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Roman historique et d’aventure, roman d’amour et d’amitié°: vous croiserez dans ce texte de belles personnes, un homme en exil et en quête de justice, un fils cherchant à connaître son père, des femmes fatales, mais aussi d’anciens nazis absolument pas repentis et autant de personnages réels et fictionnels qui viennent rythmer ce roman foisonnant.

Comment présenteriez-vous votre roman et comment avez-vous organisé votre récit ?

Tobie Nathan – C’est un roman historique où vous trouvez des personnages connus… mais il faut leur donner chair, une vie intérieure et c’est tout le travail du romancier. J’aime dans mes romans les mêler à des personnages de fiction qui viennent habiter le monde en même temps et donnent vie à l’ensemble. C’est tout un travail de construction°: d’abord on fait le cadre, on met les couleurs et ensuite on fait les détails. Les personnages donnent vie au tableau.

Vous abordez dans ce roman un sujet peu connu, la façon dont les nazis ont continué à œuvrer à l’étranger bien après la fin de la guerre.

T. N. – Les SS qui ont été impliqués dans la guerre, dans des crimes contre l’humanité ont tout fait pour échapper au jugement. Ils ont parfois changé de nom, se sont cachés en Allemagne, certains se sont enfuis, de nombreux sont allés en Amérique du Sud. Mais ce que l’on sait moins, c’est que beaucoup sont partis au Moyen-Orient. Ils y ont trouvé un accueil chaleureux. Un de mes personnages principaux, Dieter Boehm, est un nazi terrible, qui se retrouve en Égypte où il a fait une carrière « extraordinaire » jusqu’à son déclin.

Il y a un autre thème très fort dans ce roman, c’est celui de la mémoire, car votre héros, Zohar, n’a jamais pu oublier ce qu’il a subi et cela aura un impact durable sur sa vie et celle de son fils. Faut-il oublier pour se reconstruire, pardonner ou au contraire régler ses comptes ?

T. N. – C’est l’exemple d’un passé qui ne passe pas, dans les deux cas. D’un côté le nazi qui veut rester tel qu’il était malgré la destruction du nazisme°: il veut croire que ce monde peut perdurer. Zohar, lui, sait que son monde est détruit, il est destiné à se métamorphoser. À 27 ans, il n’est pas un enfant, il doit se reconstruire dans un monde étranger. Beaucoup s’effondrent et puis certains savent faire autre chose, se « réinitialiser ». C’est là que l’on peut dire qu’un exil de cette nature est une nouvelle naissance. Une fois qu’il a fini ce processus de reconstruction, il va jeter un regard en arrière et constater que la deuxième vie qu’il a reconstruite après l’exil est finalement très semblable à la précédente.

Au début du roman, quand Zohar est encore en Égypte, certaines scènes sont teintées d’orientalisme.

T. N. – L’orientalisme s’appliquerait plutôt à un XIXe siècle qui se laissait berner par les apparences de l’Orient, qui en aimait la poésie. Ce n’est pas le cas ici. Il s’agit d’un Orient vécu de l’intérieur, dans les tripes, avec notamment des rituels aux esprits, à la terre. Les gens qui participaient à ces rituels étaient musulmans, mais pas seulement, il y avait aussi des juifs, des coptes, des chrétiens, car tous, appartiennent à la terre d’Égypte. Pour décrire de tels rituels, si vous avez une approche ethnographique, vous allez penser que c’est une croyance, or ce n’en est pas une, c’est bien la vie réelle, c’est le monde tel qu’il est. Il faut aller chercher des mots spéciaux pour les décrire. Pour que le lecteur se retrouve pris dans cette ambiance, qu’il soit non pas possédé, mais au moins enthousiaste (qui vient du grec entheos : avoir le dieu dedans, avoir l’esprit à l’intérieur).

Votre héros, Zohar, est un exilé qui a fui l’Égypte pour l’Europe. Comment pensez-vous que cela influe sur la psychologie du personnage ?

T. N. – En arrivant en France, Zohar n’a qu’une idée en tête, se venger. En effet, les nazis qui sont venus en Égypte après la guerre ont fait en sorte que la vie qui était relativement vivable entre les communautés devienne impossible et il les tient pour responsables. Zohar a rencontré des gens qui, comme lui, sont habités par des désirs de vengeance : des résistants torturés par la Gestapo, des survivants de la Shoah et tous se retrouvent, reconstruisent un monde. Au fur et à mesure, les choses s’apaisent jusqu’à penser qu’il va devenir une personne normale, jusqu’au moment où il apprend que Dieter Boehm vit toujours. Alors, il laisse tout et part.

Vous terminez le roman par une fin relativement ouverte, envisagez-vous une suite ?

T. N. – J’espère que Zohar me donnera la force d’écrire le tome suivant°!

Maria Ferragu Librairie Le Passeur de l’Isle (L’Isle-sur-la-Sorgue)