Dans la chaleur de l’insecte

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TOUS NOS FANTASMES SONT DANS LA NATURE

 Les pratiques sexuelles des animaux reflètent nos fantasmes sexuels, du plus banal au plus pervers, tels qu’ils sont décrits par la psychanalyse. A partir de recherches éthologiques et de sa pratique clinique, Tobie Nathan, professeur émérite de psychologie à Paris VIII et écrivain, reconstitue, à la manière d’un détective, le puzzle de notre inconscient. Et il en éclaire les origines…

 FantasmesTobie Nathan, Tous nos fantasmes sexuels sont dans la nature (Fayard-Mille et Une Nuits, 140 p., 2013).

Une série de six chroniques, à lire ici :

• La punaise violeuse

• L’abeille castratrice

• L’araignée meurtrière

• La mante cannibale

• La libellule fétichiste

• Le termite amoureux

LogoFrCultureOn peut aussi suivre les chroniques sur France Culture ici <—

Happening La Grande Table

Caroline Broué

Caroline Broué

La Grande Table, moments de happening, à chaque fois débordant de connaissances, toujours de verve, et souvent d’humour. J’ai appris beaucoup et j’en ai connu beaucoup que je n’aurais peut-être jamais rencontrés.

Il est vrai que le dispositif de cette « conversation » à trois guidée d’une main de fer par Caroline Broué, est une véritable trouvaille. À deux, il aurait pu se transformer en joute de gladiateurs; à quatre, la grande table serait devenue une table ronde et nous tournerions encore autour. C’était la trouvaille qui a permis cette parole à la fois à la seconde et à la troisième personne.

Le choix des brigadistes était aussi particulièrement judicieux, érudits, mais acceptant la confrontation ; spécialistes, mais curieux du reste. C’était la seconde trouvaille et je dois dire que j’ai aimé chacun de ceux avec lesquels je me suis retrouvé autour de cette table.

L’objectif de ce dispositif était clair à mes yeux. Il s’agissait de créer un événement. C’est pour cette raison que je l’ai appelé « happening ». On aurait pu le dire « situationniste ». Fabricant de paradoxe, l’événement ne pouvant s’organiser — seulement se raconter après coup. J’en suis toujours ressorti avec des idées que je n’avais pas en entrant.

Et puis, au fur et à mesure, je me suis mis à entendre les voix. Et j’ai pensé : les auditeurs de  radio sont des entendeurs de voix. Et puis, il y a ceux qui font la radio. Sont-ils les émetteurs de toutes ces voix que d’autres entendent ? J’ai aimé entendre ces voix, à la fois connues et personnelles, ces personnalités transformées en ondes, qui aujourd’hui m’habitent. Et là, je dois dire que j’aurais des milliers de choses à dire sur ces voix. Entendeur de voix… quelle magnifique activité ! Chers amis de la Grande Table, vous me l’avez enseignée. Je la garderai dans mon cœur.

Quelques uns de La Grande Table sur France Culture

Quelques uns de La Grande Table sur France Culture

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Les vieux se portent bien…

Jean Philippe Viriot Durandal : Le pouvoir gris. Sociologie des groupes de pression des retraités. PUF, 2011

Jean Philippe Viriot Durandal : Le pouvoir gris. Sociologie des groupes de pression des retraités. PUF, 2011

La représentation de la vieillesse

Je suis impressionné par toutes ces analyses sur l’augmentation de la population de vieux et surtout par la philosophie implicite qu’elles véhiculent. La vieillesse serait le premier pas dans le néant… car le néant, on y entre de son vivant. C’est ainsi que l’on peut expliquer cette obsession-fascination pour la maladie d’Alzheimer malgré les chiffres :

En France, la maladie d’Alzheimer touche  5% des plus de 65 ans — ce qui en laisse 95% indemnes et 15% des plus de 85 ans, ce qui en laisse 85%.

Comme on le voit, la probabilité n’est pas nulle, mais tout le monde ne finit pas en s’absentant de son propre corps.

Ariane Beauvillard, Les croulants se portent bien. Editions du bord de l'eau, 2012

Ariane Beauvillard, Les croulants se portent bien. Editions du bord de l’eau, 2012

Je crois qu’il faut mettre cette obsession en regard de la place accordée aux seniors. Il semble entendu qu’ils n’ont rien à apprendre aux jeunes générations. C’est du moins ce que tout le monde pense… à la vitesse où court le progrès, les jeunes savent davantage que les vieux — et cela dans à peu près tous les domaines. Nullité sociale d’une part, progressive entrée dans le néant mental de l’autre, le regard sur les vieux porte un nom : le sursis — voilà le mot : ils sont en sursis !

Contrepoint

Il serait facile d’opposer à cette vision le regard que les sociétés africaines portent sur les vieux — beaucoup moins nombreux, proportionnellement, j’entends. Si le pourcentage des plus de 65 ans se situe entre 20 et 25% en Europe, il se situe là bas autour de 5%.

On connaît la fameuse phrase d’Amadou Ampaté Bâ selon laquelle, en Afrique, un vieillard qui meurt et c’est une bibliothèque qui disparaît. D’abord, elle ne se vérifie plus guère aujourd’hui, maintenant que les vieux sont des jeunes qui n’ont souvent pas été initiés. Et surtout, elle n’a pas de sens tant que l’on ne s’interroge pas sur les motifs de ce regard.

Traditionnellement, les vieux détiennent le secret (de l’initiation, par exemple ou de la fabrication des objets actifs, des « fétiches ») et sont donc capables de sorcellerie. En Afrique, on craint les vieux et c’est pour cette raison qu’on les respecte.

De plus, les vieux sont susceptibles « d’ancestralisation » — c’est-à-dire que leur mort n’est pas une fin, mais un début. Alors, si un vieux perd la tête, en Afrique, on ne le percevra pas entrant avant l’appel dans le néant, mais plutôt, tout comme on perçoit les enfants avant le langage, en contact avec les morts et les esprits — que nous, en occident, nous ne savons plus guère croiser que dans nos rêves.

Dernier point, qui nous permettra de comprendre un peu mieux notre réaction vis à vis des seniors, on n’a plus aucune possibilité de relation avec les morts… Les vieux pourraient éventuellement être nos messagers, eux qui nous précèdent dans cette rencontre.

Mais tout cela, c’est de la pensée et elle se révèle en contradiction avec les réalités actuelles de l’Afrique.

Réalités

Amadou Ampate Ba, Amkoullel, l'enfant Peul : Mémoires, Actes Sud

Amadou Ampate Ba, Amkoullel, l’enfant Peul : Mémoires, Actes Sud

Encore aujourd’hui, le mot vieux qui, chez nous est connoté de manière négative — c’est pourquoi nous disons « séniors » en attendant que ce mot s’use à son tour — en Afrique, le mot « vieux » reste attaché aux honneurs, à la priorité, au pouvoir…

Mais avec la multiplication des métropoles, la dissolution des solidarités claniques et ethniques, la sorcellerie n’a pas disparu, elle a changé de camp. Signe des temps, on accuse les enfants de sorcellerie, alors que selon la tradition, c’étaient la plupart du temps des vieux (ou des vieilles) qu’on mettait en cause.

On sent la bascule arriver, mais on ne sait pas encore ce qu’elle produira. L’adoption de la philosophie du sursis comme en occident ou une nouvelle forme de perception des vieux, sachant que même si leur proportion restait ce qu’elle est, l’augmentation mécanique de la population augmentera leur nombre au point qu’ils pourront encore moins être pris en charge qu’aujourd’hui — et ce n’est déjà pas beaucoup !

Prospective

L’apparition de ces énormes cohortes d’anciens est en train de produire, tout le monde en est conscient, en occident comme en Afrique et partout dans le monde, des mutations sociales impressionnantes. Ici, nous voyons des vieux disponibles à la philosophie (regardez les « Universités populaires »), à la revendication sociale, à l’énergie débordante, notamment sexuelle. Il est facile de prévoir que dans peu de temps ces cohortes, moins sensibles à la pression collective, représenteront une véritable force, y compris politique…

Il n’est néanmoins pas certain que ces forces aillent dans le même sens des deux côtés de la méditerranée.

TN

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