Dans Philosophie Magazine

Une recension de

Secrets de thérapeute

par Frédéric Manzini, publié le 25 octobre 2021

Avec son titre qui sonne comme une confession et sa première partie autobiographique, ce livre ressemble à un bilan de parcours pour Tobie Nathan. Il y raconte comment il s’est enthousiasmé pour l’ethnopsychiatrie au contact de son maître Georges Devereux (1908-1985), refusant qu’en thérapie, il puisse exister une « technique universelle s’appliquant à n’importe qui » et s’attachant au contraire à s’adapter à la culture et à la langue des patients. Les chapitres qui suivent montrent cette conviction à l’œuvre dans un petit tour du monde – avec un tropisme certain pour l’Afrique – de ses rencontres au plus près des « pratiques locales ». Entre chamanisme et vaudou, recours aux amulettes et appel aux ancêtres, Tobie Nathan se fait conteur de rituels et de guérisons étonnantes. Mais, au fil de ces histoires qui se lisent comme des petits romans, c’est aussi autre chose qui se joue : ce Nathan-là est aussi le sage espiègle que connaissent bien les lecteurs de sa chronique dans Philosophie magazine et qui nous pousse à voir notre modernité occidentale avec des yeux neufs. Nos smartphones ? Ils ne sont qu’une autre manière d’être appelés par l’invisible et de lui parler sans passer pour un fou. Après tout, explique-t-il, « si le monde moderne s’est moqué des fétiches, c’était peut-être pour ne pas voir sa propre dépendance vis-à-vis des objets techniques », tandis qu’inversement, « le noyau de l’amulette, comme le vaccin, est constitué d’un fragment de mal ». Et si c’était de nos propres préjugés que le thérapeute cherchait à nous guérir ?  

Secrets de thérapeute

Auteur Tobie Nathan

Editeur L’Iconoclaste

Pages 384p

Prix 22.00€

Une réflexion sur “Dans Philosophie Magazine

  1. Ce livre est une porte entrouverte sur le monde des intelligences séparées. Il privilégie l’observation des cas sur la synthèse théorique et il agrège différents tableaux par un fil conducteur qui est l’histoire personnelle de l’écrivain. La lecture d’un tel livre correspond à l’observation d’un tableau impressionniste. Observer c’est perdre pour acquérir, perdre ce que l’on sait, accepter de cesser de comprendre pour connaître. L’observation dépourvue d’a priori est définitivement la condition de la connaissance. Mais Tobie Nathan veut aller plus loin. Il écrit que c’est la condition de sa morale face à l’étranger. C’est parfaitement rationnel et profondément humain. Inaccompli. J’aime son livre.

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